mardi 17 février 2015

Tenu par les pieds.



Voici qu’au salut de mon âme,
Quittant la gloire téleste,
J’ai vu les ailes d’un priam,
Fendant ma chair, se déployer.
Je suis maintenant tout entier
Dans la lumière céleste.
Pareil au condor immortel
Qui embrasse l’immortalité,
Et, par la Grâce éternelle,
Je plonge dans la patuité.
Ici, l’égal de pureté
Coule dans le vert calice
D’une aubépine complice
Du temps retrouvant sa clarté.

Redonnez-moi ce qui n’est plus.
Devenu Chevalier papillon
Mené à une fin dévolue,
L’éphémère creuse mon sillon.
Peu m’importe.
Je me pose.
Car vient la métamorphose
Et sonne l’heure de l’éveil
De mon être encor en sommeil.
Tenu par les pieds, tête en bas,
Je regarde…
J’écoute aussi…
Aux branches de l’arbre divin,
Dans les airs, suspendu ainsi
Je vois bien la déesse Gaïa
Souffrant au fin fond d’un ravin.

Entendez-vous comme j’entends
Et voyez-vous ce que je vois ?
D’ici, le temps en mouvement
Nous montre le chemin du doigt
Qui enferme le pénitent
Dans l’obscure prison du tourment.
Mais quel est ce scintillement
Qui embrase le firmament,
Et ravive les affres du deuil ?
Peu m’importe.
Je me fige.
Immobile comme une feuille
Rougissant au soleil couchant,
Je deviens le cafre dont le chant,
Si beau, donne le vertige.

Reverrai-je ton grain de peau
Poussé dans l’épi de ma main ?
Virevoltant dans le jardin
De notre amour serein,
Mon cœur effleurant le ruisseau
Sème de l’ormin en chemin.
Recouvrai-je enfin la vue
Par cette semence offerte ?
Puis-je une fois encore vivre
Le jour où je t’ai aperçu ?
Tellement belle…
Que ton rire
Enflamma l’ombre de ma vie
Causant ma funeste perte
D’un million d’heures inassouvies.

Tenu par les pieds, tête en bas,
Je regarde…
J’écoute aussi…

J’attends ton retour ici-bas.


© Manache Poetry

dimanche 8 février 2015

Oh ! Quel est l’animal qui ainsi me supplie !



J’ai un rêve qui m’habille chaque matin
D’un fin brouillard au réveil de mes longues nuits.
Je tire le rideau… regarde à l’extérieur.
Dehors tout s’accorde avec l’éclat argentin.
Scintille la pluie d’une mortelle blancheur
Sur le rosier, par le vent, couché sans un bruit.
L’eau ruisselle sur lui diluant toutes ses fleurs
En fleuve carmin à l’humeur assassine
Qui effraie, dans le manguier, le singe hurleur.
La cruelle lumière entrant dans la chambre
Pousse à terre mon ombre qui se dessine
En arbre décharné d’allure macabre.

Oh ! Quel est l’animal qui se cache
Et qui crie :
« Poésie… Poésie… Panache d’une vie ! »
« Poésie… Poésie… Calme vos colères »
La forêt amazonienne a bien des mystères
Pour le croyant aux esprits régnant sur la terre.
Seuls certains crapauds prennent le chant de l’oiseau
Comme le ferait la poésie dans la vie
En une poignée de mots envoyés dans les airs.
La voix aérienne en ultime sursaut
Rebondit sur les murs et s’éteint sur le lit.
Derrière ma fenêtre scrutant la canopée
Mon regard se perd dans l’éclat d’une orchidée.

Au chant des fins roseaux, le jardin s’assombrit
Par un flot noir provenant des fusains en pleurs.
Voyez le désarroi qui les anéantit
Car le divin jardin a perdu ses couleurs !
Très haut dans les Cieux j’aperçois un flash.
S’agit-il des yeux de l’urubu ou l’éclair
Du millier d’étoiles tombant en gouttes d’eau ?
« Quitte ce songe et lâche toutes attaches ! »
La froideur de cette voix entre dans ma chair.
Son écho lancé tel un cheval au galop
Se propage en moi jusqu’au ventre puis meurt.
Oh ! Quel est l’animal qui ainsi me supplie !
« Quitte ce songe pour attraper le bonheur ! »
Un oiseau blanc s’envole et le ciel s’éclaircit.
Le nez collé au carreau j’embrasse la vie.
Par mon souffle chaud se forme un cœur embué
Qui annonce un lendemain rempli de beauté. 

Photo : Waldek Wyszynski

© Manache Poetry