dimanche 12 avril 2015

Aux vents soufflants



Si longtemps assiégé
Je me sens protégé.
Rougeoiement au levant
J’avance le cœur léger
J’avance avec les vents.

Des fleurs jusqu’aux ramures
Embrassent le ciel qui s’allume,
Des pierres roulent sous mes pieds
Libèrent l’or en poussière
Du cœur de la forêt.
S’envole un doux murmure
Du tourbillon d’une plume
Aux branches d’un tulipier.
Entends-tu cette prière
Venant du sombre marais ?

Mouvance d’un être entier
J’avance sur le sentier.
Rougeoiement au levant
J’avance le cœur fervent
Au gré de tous les vents.

L’odeur de l’herbe mouillée
S’accorde à celle des arbres,
Effleure l’ombre de mon âme
Tel un doux voile de soie
Ondulant sans un bruit.
Ruissèlent du rocouyer
Semblables aux veines du marbre
Les traits gracieux d’une femme.
Est-ce un esprit en proie
Aux tourments de la nuit ?

Si longtemps endormie
L’âme devine une amie.
Rougeoiement au levant
J’avance le cœur vivant
J’avance avec les vents.

Le soleil du matin
Pose sa tête sur le fleuve,
Mon ventre enfin respire
L’air frais venu du nord
Dissipant la tristesse.
Éclatent dans le lointain
Les terrifiantes épreuves
Dans un ultime soupir.
Verrai-je les reflets d’or
D’une amie poétesse ?

Si doux est son regard
Qu’il dissipe le brouillard.
Et le vent furieux d’ouest
Soufflant sans fin vers l’est
Les regrets indigestes.

Vois ce frangipanier
Loin des choses à moitié,
Son arôme délicat
Enivre avec douceur
Les bonheurs de l’enfance.
Vois l’éclat printanier
Qui embaume l’amitié
Et force la baraka.
Serais-tu l’âme-sœur
Qui pardonne toutes offenses ?

Si doux est ton regard
Qu’il dissipe le brouillard.
Et le vent furieux d’ouest
Soufflant enfin vers l’est
Tous les desseins funestes.

Au verger enchanteur
De la verte canopée,
Scintille la poésie
Au cœur d’une orchidée
Flirtant avec la pluie.
Tombe sur nous sa moiteur
Telle une étrange mélopée
Touchant notre esthésie.
Que penses-tu de l’idée
De croquer dans un fruit ?

Si longtemps endormie
L’âme trouve une amie.
Rougeoiement au levant
J’avance le cœur vivant
Flottant aux vents soufflants.

Car le sublime regard
D’une tendre amie rêvée
A embelli l’infime
Des douleurs de ma vie.
Car
Loin d’être un hasard
Une amie s’est levée
Pour éloigner l’abîme
Qui noircissait ma vie.

Si longtemps assiégé
Me voici protégé.
Rougeoiement au levant
Je danse le cœur léger
Je danse avec les vents.

© Manache Poetry

mardi 17 février 2015

Tenu par les pieds.



Voici qu’au salut de mon âme,
Quittant la gloire téleste,
J’ai vu les ailes d’un priam,
Fendant ma chair, se déployer.
Je suis maintenant tout entier
Dans la lumière céleste.
Pareil au condor immortel
Qui embrasse l’immortalité,
Et, par la Grâce éternelle,
Je plonge dans la patuité.
Ici, l’égal de pureté
Coule dans le vert calice
D’une aubépine complice
Du temps retrouvant sa clarté.

Redonnez-moi ce qui n’est plus.
Devenu Chevalier papillon
Mené à une fin dévolue,
L’éphémère creuse mon sillon.
Peu m’importe.
Je me pose.
Car vient la métamorphose
Et sonne l’heure de l’éveil
De mon être encor en sommeil.
Tenu par les pieds, tête en bas,
Je regarde…
J’écoute aussi…
Aux branches de l’arbre divin,
Dans les airs, suspendu ainsi
Je vois bien la déesse Gaïa
Souffrant au fin fond d’un ravin.

Entendez-vous comme j’entends
Et voyez-vous ce que je vois ?
D’ici, le temps en mouvement
Nous montre le chemin du doigt
Qui enferme le pénitent
Dans l’obscure prison du tourment.
Mais quel est ce scintillement
Qui embrase le firmament,
Et ravive les affres du deuil ?
Peu m’importe.
Je me fige.
Immobile comme une feuille
Rougissant au soleil couchant,
Je deviens le cafre dont le chant,
Si beau, donne le vertige.

Reverrai-je ton grain de peau
Poussé dans l’épi de ma main ?
Virevoltant dans le jardin
De notre amour serein,
Mon cœur effleurant le ruisseau
Sème de l’ormin en chemin.
Recouvrai-je enfin la vue
Par cette semence offerte ?
Puis-je une fois encore vivre
Le jour où je t’ai aperçu ?
Tellement belle…
Que ton rire
Enflamma l’ombre de ma vie
Causant ma funeste perte
D’un million d’heures inassouvies.

Tenu par les pieds, tête en bas,
Je regarde…
J’écoute aussi…

J’attends ton retour ici-bas.


© Manache Poetry

dimanche 8 février 2015

Oh ! Quel est l’animal qui ainsi me supplie !



J’ai un rêve qui m’habille chaque matin
D’un fin brouillard au réveil de mes longues nuits.
Je tire le rideau… regarde à l’extérieur.
Dehors tout s’accorde avec l’éclat argentin.
Scintille la pluie d’une mortelle blancheur
Sur le rosier, par le vent, couché sans un bruit.
L’eau ruisselle sur lui diluant toutes ses fleurs
En fleuve carmin à l’humeur assassine
Qui effraie, dans le manguier, le singe hurleur.
La cruelle lumière entrant dans la chambre
Pousse à terre mon ombre qui se dessine
En arbre décharné d’allure macabre.

Oh ! Quel est l’animal qui se cache
Et qui crie :
« Poésie… Poésie… Panache d’une vie ! »
« Poésie… Poésie… Calme vos colères »
La forêt amazonienne a bien des mystères
Pour le croyant aux esprits régnant sur la terre.
Seuls certains crapauds prennent le chant de l’oiseau
Comme le ferait la poésie dans la vie
En une poignée de mots envoyés dans les airs.
La voix aérienne en ultime sursaut
Rebondit sur les murs et s’éteint sur le lit.
Derrière ma fenêtre scrutant la canopée
Mon regard se perd dans l’éclat d’une orchidée.

Au chant des fins roseaux, le jardin s’assombrit
Par un flot noir provenant des fusains en pleurs.
Voyez le désarroi qui les anéantit
Car le divin jardin a perdu ses couleurs !
Très haut dans les Cieux j’aperçois un flash.
S’agit-il des yeux de l’urubu ou l’éclair
Du millier d’étoiles tombant en gouttes d’eau ?
« Quitte ce songe et lâche toutes attaches ! »
La froideur de cette voix entre dans ma chair.
Son écho lancé tel un cheval au galop
Se propage en moi jusqu’au ventre puis meurt.
Oh ! Quel est l’animal qui ainsi me supplie !
« Quitte ce songe pour attraper le bonheur ! »
Un oiseau blanc s’envole et le ciel s’éclaircit.
Le nez collé au carreau j’embrasse la vie.
Par mon souffle chaud se forme un cœur embué
Qui annonce un lendemain rempli de beauté. 

Photo : Waldek Wyszynski

© Manache Poetry

jeudi 22 janvier 2015

Donne-moi l’éternité.



Longtemps cachée par la froideur de la forêt
Je l’entends. Elle vient, ondulant comme un félin.
La voyez-vous ? Car vers moi elle avance.
Dissipant d’un simple regard la foule d’idée,
Aux lueurs des lucioles, elle ouvre un chemin.
Porté par les vents chauds de ma délivrance,
J’oublie les songes brumeux de mes yeux rougis
Et piétine l’affreux cafard rongeant ma vie.
Voyez, je tends les mains car je l’entends qui vient.

Oh! Flamme sacrée qui lèche mon être entier
Si incandescente est ta lumière qui m’étreint.
De la tête au pied tu ravives la chaleur perdue
Du chant de la fleur à l’envolée du grillon.
Tu adoucis dans l’instant la pente du sentier
Où renait l’amour qu’en chemin j’avais oublié.
Les pétales du jasmin embaument ta venue
Et me montrent le doux refrain de ta chanson
Qu’un fleuve pousse vers des rivages lointains.

Les oiseaux s’affolent aux branches du flamboyant.
De leurs ailes s’envole un ruban rougeoyant
Formant à mes pieds un épais tapis de feu.
Le fromager s’incline et mon ciel s’éclaircit
Car sur ma joue se pose le baiser ardent
De celle qui, venue des cieux, fleurit la vie
Et souffle sur les braises noircies de mes yeux.
Sur mon âme, plus douces qu’une aile de papillon,
Tes lèvres dansent aux rythmes de ma passion.

Oh! Flamme sacrée qui lèche mon être entier
Si incandescente est ta lumière qui m’étreint.
Seras-tu là près de moi, au lit allongée,
Pour admirer le soleil levant du matin…
Oh! Femme rêvée donne-moi l’éternité.

© Manache Poetry

mercredi 7 janvier 2015

L’aurore venait à peine d’éclore.



Oui, j’aimais l’entendre dire…
« Rêveur !
Oui, toi ! Mon cœur ! À contretemps encore ! »
Les yeux au fond de mes souliers troués
Je ne vis rien venir
Une fois encore.
Son ombre sous mon nez fut diluée
Près d’un flamboyant du jardin en fleur.

L’aurore venait à peine d’éclore.

Je perdis de vue son rire…
Son cœur.
En forêt, le fil d’Ariane à la main,
Je pris le layon menant au ruisseau.
Emporté par un reflet de lune,
Toute la nuit, je cherchai son écho,
Accrochant une luciole à mon étendard
Pour ne plus jamais avoir peur du noir.
Mais, serpentant entre les hauts roseaux,
Je ressortis noirci par les fusains.
Pour me purifier dans la lagune,
En chemin, je pris un brin de jasmin
Et me lavai avec le plus grand soin.
Puis j’enfermai le froid
Au fond de l’eau,
Enfouissant mon effroi dans ce tombeau.
Oui, j’aimais l’entendre dire
« Rêveur ! »

L’aurore venait à peine d’éclore.

Voyage au bout d’un mirage je vis…
L’ibis.
Assis sur un nuage, il me dit :
« Que cherches-tu au royaume des morts ? »
« Ami, j’ai fait tant de projets jadis,
Perdu… sans existence, je suis maudit. »
Me fixant les yeux, il me répondit :
« Laisse la pluie se noyer dans le feu
Et, par une nuit, tu toucheras son corps »
Me frappant de son bec, je m’endormis.
Hagard, sans espoir, ce fut au matin
Que son noir regard me baisa les yeux.
Sous le choc, dans les cieux…
Elle m’apparut.
Mais au réveil du coq elle disparut.

L’aurore venait à peine d’éclore.

Oui, elle aimait à le dire
 « Rêveur ! »
Oui, toi ! Mon cœur ! À contretemps encore ! »
Une senteur orangée dans les cheveux
Que le vent enlaçait d’un tourbillon
De mille gemmes aux lueurs enflammées.
J’aimais la voir, baignée dans le bonheur,
Flirtant avec les fleurs à l’unisson
Pour les jours futurs où nous seront vieux.
Oui, j’aimais l’entendre dire…
 « Rêveur !
Oui, toi ! Mon cœur ! À contretemps encore ! »

Oh ! J’aimais t’entendre dire
« Rêveur ! »
De tes lèvres naissait un sourire.
Les yeux au fond de mes souliers troués
Ton âme sous mon nez s’est échappée
Près du flamboyant aujourd’hui en fleur.
Oui, j’aime t’entendre dire
Rêveur…
Encore ! Dis-le encore… Encore !…
Je pleurs mais dis-le encore
« Mon cœur »

L’aurore vient tout juste d’éclore.


© Manache Poetry